DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

mercredi 15 avril 2009

P. 101. Brèves (15) : Avril 1927, 1941, 1943, 1945 et 2002


Robert Desnos (1900-1945). A dr. : détail d'un portrait par Man Ray. A g. : peu avant sa mort par épuisement au camp libéré de Theresienstadt, le 8 juin 1945 (Montage JEA / DR).

25 avril 1927.

Lettre de Maurice Henry à Robert Desnos :


- "…moi je jette ma tête sur tous les trottoirs
parce que
…parce que je vois le phare et que le phare c’est toi
avec tes yeux qui tournent au dessus du ciel
tes yeux qui éclairent ma route
toutes les bornes portent ton nom Robert Desnos
je n’ai pas besoin de laisser derrière moi des petits cailloux blancs
puisque je n’ai pas peur
et que je sais que cette route mène à l’inconnu."


(Anne Egger, Robert Desnos, Fayard, 2007, 1165 p.).

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Xavier Vallat (1891-1972), Commissaire Général aux Questions Juives dans le gouvernement de Vichy entre 1941 et 1942 (DR).

Oran, le 2 avril 1941.

Lettre du Syndicat des Grossistes-colporteurs de tabacs – Oran
à Monsieur Xavier Vallat, Commissaire Général aux Questions Juives – Vichy :

- "(…) cette affaire (…) a pour acteur le juif multimillionnaire, Elie d’Abraham Dahan, usurier notoire, néfastement connu sur la place d’Oran, où ses méfaits ne sont plus à compter.
Ce dernier, usant de sa roublardise maîtresse, agit encore à l’heure actuelle comme au temps ou Israël était grand maître. Dépositaire exclusif de la S. A. Française Caussemille d’Alger, le juif Dahan, par une manœuvre habile a établi une liste de répartition des Allumettes, liste agréée par le Service du Ravitaillement Général d’Oran, où amertume nous y trouvons, sur 104 Clients qu’il dessert à Oran-Ville, 62 juifs, 32 catholiques et 10 musulmans. Or, dans la branche Epicerie-Tabacs d’Oran-Ville, il se trouve que les Juifs ne sont pas légion, environ 5% de la totalité des Epiciers-Tabacs d’Oran-Ville, contrairement à ce qui se produit pour d’autres genres de commerce (bazar, étoffes, etc…). Il ressort nettement que le juif Dahan a tenu et tient encore à favoriser ses coreligionnaires, au détriment des loyales populations françaises et musulmanes.
(…) Nous vous prions très respectueusement, Monsieur le Commissaire Général, de bien vouloir nous aider à débarrasser la ville d’Oran du juif Dahan."


(André Halimi, La délation sous l’occupation, Ed. Alain Moreau, 1983, 306 p.)
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___________Varsovie, photo de l'insurrection du Ghetto (DR).

Varsovie, 19 avril 1943.

Manuscrit de Zila Rennert :

- "Insurrection du ghetto de Varsovie. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre dans la ville. Je fus prise de panique quand la Gestapo quadrilla la cité et que les patrouilles se multiplièrent à la recherche d’éventuels fuyards du ghetto. L’écho des canons assourdissait toute la ville, et les Polonais ne parlaient que de cet événement incroyable : la résistance acharnée que les Juifs opposaient aux troupes nazies. Les remarques des Polonais étaient très variées. Certains, comme les Pawlowski, plaignaient les Juifs encerclés de toute part et exprimaient leur admiration pour le courage des résistants et des combattants. D’autres, au moment où le ghetto flambait, se réjouissaient, et je les ai entendus de mes propres oreilles dans les rues ou dans les champs de Mokotow, applaudir en disant :
-Regardez, les youpins brûlent !
Et ils riaient…
Moi, je dis à ma fille :
-Ina, regarde bien ce ciel rouge, ce sont des maisons qui brûlent dans le ghetto où se trouve toute une population juive, des hommes, des femmes, des enfants. N’oublie jamais ce ciel écarlate, cette fumée noire et ce bruit de canons. Ce sont des gens comme toi et moi qui meurent, des innocents."

(Zila Rennert, Trois wagons à bestiaux. D’une guerre à l’autre à travers l’Europe centrale. 1914-1946, Phébus libretto, 2008, 341 p.)

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Défilé de la Milice. Maréchal, les voilà ! (DR).

Fin du mois d’avril 1945.

Journal d’André Chamson ( la Reconquête) :

- "Tout à la fin du mois d’avril, j’eus l’occasion de visiter un camp de prisonniers du côté de Lindau. Ces prisonniers n’étaient pas des soldats de la Wermacht, mais de weerwolfs et des miliciens français, parmi lesquels certains portaient un uniforme allemand dont la manche s’ornait d’un petit drapeau tricolore. La plupart de ces hommes ne valaient pas la peine qu’on perde son temps à les interroger (…). Un seul attira mon attention . C’était un officier, digne malgré sa servitude, avec un visage d’homme.
-Comment, lui dis-je, avez-vous pu partir avec ce ramassis de minables ? Comment avez-vous pu servir contre votre pays ?
L’homme me regarda dans les yeux. Je crus qu’il n’allait pas me répondre. Il semblait hésiter, puis il me dit lentement :
-J’ai suivi le Maréchal, mon commandant… Qui aurait pu croire risquer de sortir du devoir en obéissant au vainqueur de Verdun ?
Il y eut un creux de silence. Je sentais une sorte de pitié naître en moi, et je me disais que le vrai coupable, que les vrais coupables n’étaient pas dans cette prison (…).
J’ai peut-être eu tort de me laisser attendrir. Puisque cet homme est de mon pays, il aurait fallu le voir quand la milice pourchassait le maquis de l’Aigoual jusque dans les solitudes du Méjean, aidait les nazis à pendre haut et court les résistants blessés de Saint-Hippolyte, et précipitait les vaincus dans la bouche horrible du puits de mine abandonné de Célas."

(André Chamson, Les livres de guerre, omnibus, 2005, 762 p.)

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Caricature JEA (DR).

22 avril 2002.

Journal de Françoise Giroud :


- "Frivole… C’est le mot qui m’est immédiatement venu à l’esprit en apprenant le résultat du premier tour de l’élection présidentielle. J’ai oublié qui a parlé de « la France, nation frivole et légère… » Peut-être Voltaire.
C’est exactement cela : 40 millions d’électeurs, dont 28% ne se sont pas dérangés, ont créé ensemble les conditions nécessaires à l’agonie de la Ve République avec sa Constitution un peu monarchique, certes, mais qui contenait ses turbulences (…) Quand on pense que les Français ont osé donner des leçons aux Italiens !
La gauche est morte, en tout cas provisoirement (…)
Sitôt les résultats connus, Jospin a annoncé qu’il se retirait de la vie politique (…) pendant la campagne, il a été un bon professeur, mais pas un capitaine (…)
J’ai vu trop d’élections dans ma longue vie pour ne pas prendre celle-ci aussi avec sang-froid.
On ne verra pas Le Pen à l’Elysée – enfin, pas tout de suite : encore une minute, Monsieur le bourreau ! On peut présumer que la grande masse lui préférera Chirac, fût-ce en s’y résignant (…)
Enfin, quand les prodromes du fascisme percent, il faut se rappeler que tous les chefs fascistes ont commencé par être élus, et que lorsqu’ils se démasquent, c’est trop tard…"

(François Giroud, Demain, déjà. Journal 2000-2003, Fayard, 2003, 422 p.).

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